Olivier

Happy Birthday Olivier

Sans la stupidité et l’égoïsme incroyable de ton père, on aurait fêté tes 48 ans aujourd’hui. On avait encore tellement de choses à se dire, de temps à rattraper. On avait tous encore tellement besoin de toi…


Olivier, c’était mon cousin. Enfin nos mères l’étaient, cousines. Elles étaient surtout inséparables. Leurs gnomes aussi, du coup. On a trainé ensemble pendant des années, partagé vacances, fêtes familiales et anniversaires. Je me souviens d’un Noël où j’étais resté ébahi devant son « camion de l’espace programmable ». On n’avait pas 10 ans. Je m’en rappelle comme si c’était hier.

On a inventé les pires super-héros ensemble. Noircis des cahiers de pouvoirs improbables. Débattu de l’intérêt de la cape (éternel sujet chez les fans de comics). En vacances chez mes grands-parents, on chapardait des pièces de 10 francs dans « le pot à pièces » pour aller acheter Strange et autres mags de l’époque. Sous la surveillance bienveillante de mon grand-père, qui nous engueulait uniquement quand on était trop gourmands. Bienveillant OK, mais « débrouillez-vous pour que mamie voit rien ! ». On avait 9 ans. Notre unique question existentielle, c’était de savoir quand serait le prochain gâteau de semoule, de mamie, justement.

La même année, on apprenait par cœur les paroles de « Chacun fait (c’qui lui plaît) ». On trouvait ça incroyable. Ce truc chanté, mais pas vraiment. Qui sera en fait le premier rap en français. C’est Wikipédia qui le dit.

On voulait envahir l’Allemagne du haut de nos 10 ans l’année suivante, quand Platini et l’équipe de France se sont fait sortir de la coupe du monde. On était en vacances avec mes parents. Ma mère avait des nausées sans arrêt, mon père blaguait qu’elle était peut-être enceinte. En février de l’année suivante naissait mon frère. On en rigolait encore, Olivier et moi, en prenant un verre au soleil, sur la terrasse de sa nouvelle maison, en juin dernier.

Une enfance relativement paisible, jusqu’au jour où sa mère s’est effondrée au boulot. À 50 ans. AVC. Le problème c’est que son père était un énorme connard. Un médiocre de compétition, égocentrique XXL. L’inverse de son fils, qu’il a jalousé jusqu’à la fin. Le lien familial est parti en fumée. Nous avons déménagé peu de temps après, ce qui n’a pas aidé. Je n’ai plus vu mon cousin pendant des années et j’étais trop jeune pour comprendre. On s’est retrouvé bien plus tard, en pointillés, avec tellement de blancs à combler sur nos vies respectives… Si nos univers étaient maintenant bien lointains, notre connexion était toujours là.

Le 13 juin, on a passé un samedi parfait. Il m’a retapé le moral, conseillé, motivé. Le lendemain, c’était l’anniversaire de ma femme et le 28, le mien. Et en plein divorce, ce genre de date qui ne représente finalement plus rien, j’avoue que je gère plutôt mal. Son influence positive avait plus d’effet qu’une boite de Lexo.

Il en avait un peu marre d’héberger son père qui s’était blessé après une chute stupide, et se retrouvait en fauteuil roulant. Il venait de s’installer avec sa fille et sa nouvelle compagne, qu’il était heureux de me présenter. Mais les trois semaines prévues s’étaient transformées en 5 mois sous l’effet combiné du confinement et d’une blessure qui ne voulait pas guérir. Mais il me disait que ça restait son père, et malgré tout le mal qu’il lui avait fait, il ne pouvait pas le laisser se démerder chez lui…

Son crétin de père détruira finalement la seule chose qu’il avait réussie dans sa vie. Depuis son fauteuil roulant, il a abattu Olivier à bout portant, de deux balles de révolver le 18 juillet, avant de retourner l’arme contre lui. Après un déjeuner normal, alors que sa fille de 4 ans faisait la sieste à l’étage et sa compagne profitait du jardin. Un fait divers de plus sur Internet. Une blessure qui ne guérira jamais pour d’autres.

Je sais que certains voudront comprendre : c’était totalement prémédité. Tout invalide qu’il était, son père a trouvé une excuse bidon pour faire un aller / retour chez lui, en taxi, seul, pour la première fois en 5 mois. Monter dans son bureau, avec sa jambe plâtrée, prendre son révolver dans son coffre (il faisait du tir depuis les années 80), redescendre, et rentrer chez son fils. Il voulait se suicider et ma théorie c’est que par jalousie il a décidé qu’il ne partirait pas seul.

Aujourd’hui, je pleure mon cousin. Et je pense à cette petite fille de 4 ans seulement, qui doit avoir du mal à comprendre pourquoi son père ne l’a pas aidé à faire sa lettre au père Noël.

 

Olivier - USA

 

16 comments

  1. Oh putain Caf, j’étais au courant que la période était difficile mais pas à ce point !
    Toutes mes condoléances et une pensée émue pour la fille et la femme de ton cousin.
    Belle démonstration de courage de parler ouvertement de tout ça aussi tôt, respect !

  2. Condoléances à toi, et aux proches de ton cousin.
    Sérieux… Je ne veux pas aggraver les blessures, donc je ne vais rien dire de plus que mon soutien et les sentiments positifs que je peux avoir pour vous.

    1. J’ai pas les mots tellement c’est triste. Très beau texte aussi. J’avais une relation fusionnelle avec mon cousin étant gamin. On s’est perdu de vue il y a 10 ans. Je l’appelle.

  3. C’est compliqué de trouver les mots, même par écrit. On se connait que par claviers interposés, mais j’espère tout de même que tu pourras surmonter tout ça ainsi que ta famille.

  4. Merci les gens (y compris ceux qui sont passés par d’autres moyens pour me parler). Je doute que 2021 soit une bonne année pour moi, mais pour faire pire que 2020, y’a un peu de taf.

  5. My God ! J’étais loin d’imaginer quelque chose d’aussi horrible. Prends soin de toi Caf, et arme-toi de patience. Les beaux jours et les raisons d’espérer reviennent toujours quand on s’y attend le moins.

  6. J’étais loin d’imaginer ce genre de chose quand j’entendais les « ouais ça va supeeeer » ironiques en début de podcast de Torré…
    Il n’y a malheureusement rien que je puisse faire à part un hug virtuel, alors bien que je ne sois qu’un pseudo parmi d’autres, je le fais. /hug

  7. Toutes mes condoléances Caf ainsi qu’à la compagne de ton cousin et à sa fille.

    Ton post si émouvant à lire rend joliment hommage à ton cousin. Paix à son âme.

  8. Ça fait un moment que je me disais qu’il fallait que je vienne voir ici, sans me contenter de FB.

    Outch. Je n’ai pas de mots. Toutes mes pensées.

  9. Je te suis depuis des années sans écrire un mot, mais en lisant ces quelques lignes tu m’as fait pleurer. Courage à toi, pensée à lui et sa tendre enfant. C’est encore plus dur à lire quand on est papa soit même. Toutes mes pensées pendant ce court instant mais sincère…

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